Big Brother dans ton freezer ?
Data Architecture 18 mai 2017Objets connectés : quelles sont les tendances actuelles ?
Le cabinet d’études Gartner estime qu’il y aura 8,4 milliards d’objets connectés dans le monde d’ici fin 2017 et qu’ils seront 20,4 milliards d’ici 2020. C’est donc un phénomène en pleine croissance et au coeur de notre actualité.
Il était possible de le constater lors de l’édition 2017 du Consumer Electronics Show (CES) qui a rassemblé, à Las Vegas, les présentations de nouveaux produits et technologies dans le domaine de l’industrie électronique grand public. Ce salon, qui a regroupé pas moins de 4300 entreprises dont plus de 300 françaises, accorde une place importante aux objets connectés. Olivier Ezratti, ancien directeur Marketing et Communication de Microsoft France, publie chaque année un rapport du CES (téléchargeable ici). Dans ce dernier, nous pouvons constater que les secteurs de l’ IoT (Internet of Things ou Internet des Objets) les plus prometteurs sont le sport, la domotique et les robots conversationnels. Ainsi, les visiteurs du CES ont pu admirer les semelles ATO-Gear, permettant d’analyser les performances lors d’une course à pied et de prévenir les risques de blessures, le réveil SensorWake accompagnant le réveil matinal avec le parfum de son choix (chocolat chaud, rose, ambiance “vacances à la mer”) ou encore le robot Lynx d’Ubtech, relié au service vocal Alexa d’Amazon, offrant son aide dans les actions du quotidien.
Peut-on trouver une utilité évidente à chaque objet connecté ?
L’utilité d’un objet ordinaire est généralement évidente ou facile à appréhender. Cependant, lorsqu’on lui applique la dimension « connecté » , il devient parfois difficile de comprendre ou de concevoir sa vraie valeur ajoutée. Par exemple, PK Vitality, filiale biotech de la start-up PK Paris, a lancé la montre K’Track Glucose qui suit en temps réel et sans piqûre le taux de glucose de son utilisateur. Pour une personne diabétique, la valeur ajoutée est évidente. En revanche, la boîte connectée Lovebox qui offre la possibilité d’envoyer des mots d’amour à son conjoint à l’autre bout du monde a plutôt une dimension « Cute & Gadget » car la fonctionnalité d’envoyer des messages existe via d’autres outils comme le téléphone ou l’email.
Finalement, qu’est-ce qu’un objet connecté ?
On en entend parler à tort et à travers mais concrètement, il est difficile de donner une définition exacte au terme « objet connecté ». Tous ces objets sont plus ou moins farfelus, avec une utilité plus ou moins pertinente, mais ils ont tous un point commun. Chacun d’eux capte l’information et la transmet à une interface « intelligente », humaine ou informatique. L’utilisateur peut alors analyser les données collectées par l’objet pour en comprendre l’impact sur son quotidien et l’améliorer.
Comment connecter un objet qui ne l’est pas ?
Chez fifty-five, nous avons l’habitude de collecter des données sur les sites internet et les applications mobiles. C’est pourquoi l’idée de récupérer l’information du monde « réel » depuis un objet classique et de la transmettre à une interface nous a tout de suite intéressés. Ainsi, nous avons étudié l’ensemble des possibilités de tracking dans nos locaux en identifiant les différents KPIs des objets qui nous entourent.
Nous n’avons pas pu tracker l’utilisation des salles de réunion (trop ambitieux pour un test) ni les badgeuses (celles-ci ne respectent pas l’anonymat, et les données à caractère personnel ne sont pas autorisées dans Google Analytics). Nous avons donc décidé de mettre en place un tracking sur le réfrigérateur à disposition des équipes : un test simple d’implémentation, peu coûteux, avec un objet très utilisé au quotidien.
Nous avons commencé par établir la liste de questions auxquelles le test devait apporter des réponses :
- Quel est le nombre d’ouvertures hebdomadaires ?
- Est-ce que la température extérieure influe sur son utilisation ?
- À quel moment de la journée le trafic est-il le plus important ?
Pour répondre à ces différentes questions, nous avons décidé de mettre en place un Raspberry Pi 3 relié à Internet et un capteur posé sur la porte du réfrigérateur. À chaque ouverture/fermeture, nous avons décidé d’envoyer à Google Analytics une page vue. Et grâce à l’ API d’OpenWeatherMap, qui nous apporte des informations complémentaires comme la température extérieure, la météo, la pression atmosphérique ou encore l’humidité dans l’air, nous avons enrichi nos données d’utilisation par des dimensions supplémentaires.
Quelques analyses tirées de ce test
Sur la semaine du 30 janvier au 3 février 2017, on observe par exemple que le lundi et le jeudi étaient les jours où le réfrigérateur était le plus utilisé, soit en début et en fin de semaine (à savoir que le vendredi, les employés peuvent finir leur journée autour d’un verre dans un bar du quartier).
En moyenne, on compte 120 ouvertures et fermetures de la porte du réfrigérateur quotidiennement. On peut donc supposer que 60 personnes se servent dans le réfrigérateur chaque jour. Nous gardons bien entendu à l’esprit qu’il pourrait s’agir de 30 personnes qui viennent deux fois par jour ou de 20 personnes qui viennent se servir trois fois par jour, etc.
Maintenant regardons à quelles heures de la journée le réfrigérateur est le plus utilisé :
Sans surprise, on constate que de nombreux fifty-fivers viennent ouvrir le réfrigérateur aux environs de 9h du matin tous les jours : soit pour prendre une boisson soit pour déposer leur repas du midi (qu’ils viennent récupérer vers 13h), selon nos hypothèses et observations. On note également plusieurs pics d’utilisations arrivant à heures variables l’après-midi entre 15h et 18h : c’est l’heure du goûter !
Une de nos hypothèses de départ était que, malgré les faibles variations de températures, ces dernières n’influent pas sur la consommation des utilisateurs. Le tableau ci-dessous présente les interactions par heure et par température (toujours sur la semaine du 30 janvier au 3 février 2017).
La semaine du 30 janvier, nous avons constaté que les 55ers ont plus utilisé le réfrigérateur à 9h s’il faisait 9°C et à 13h et 17h s’il faisait 12°C. Donc contrairement aux hypothèses que nous avions émises, il semblerait que la température externe ait de l’importance. Pour affiner, il faudrait prolonger l’expérience sur une période plus longue pour disposer de statistiques significatives, et disposer d’informations complémentaires et plus granulaires, comme la température de la pièce. Nous pourrions également envisager de poser des capteurs sur les autres réfrigérateurs des bureaux afin de faire des analyses différenciées en fonction de leur emplacement. On pourrait ainsi valider ou rejeter notre hypothèse, et découvrir s’il s’agit d’une simple corrélation ou d’une relation de causalité.
Nous avons voulu tester ce qu’il était possible de faire et remonter un certain nombre d’informations de différentes sources. Certaines se sont avérées utiles pour notre expérience, comme la température extérieure, mais d’autres non, comme la pression, l’humidité ou la vitesse du vent. Nous sommes tombés dans le piège de vouloir collecter de la donnée sans but précis en pensant pouvoir la traiter plus tard. La prochaine étape est donc de réfléchir aux informations que nous allons conserver, et à celles que nous allons ajouter. À l’avenir, nous pourrons approfondir ce sujet en positionnant d’autres capteurs dans le réfrigérateur, pour nous indiquer l’état des stocks par exemple. Grâce à ces informations, fifty-five pourrait mettre en place un réapprovisionnement au plus proche des besoins, en envoyant par exemple une alerte par SMS à la personne en charge afin de remplir le réfrigérateur (merci Wizard !) aux meilleurs moments. Imaginons alors les applications possibles à plus grande échelle, pour une enseigne de grande distribution par exemple !
Cette première phase de l’expérience nous a permis de nous familiariser avec les outils utilisés. Cela nous pousse à continuer par sprint en suivant quelques principes de la méthodologie AGILE. Procéder par itérations de quelques semaines nous permettra de vérifier nos hypothèses au fur et à mesure et de ne pas collecter trop de données inutilisées. Maintenant que nous savons que le processus pour connecter un objet est similaire au tracking d’un site web, il ne nous reste qu’une chose à dire : corbeille à fruits et fontaine à eau, prenez garde !