#BrandTalk – Les marques Direct-to-Consumer, nouveau standard du marketing ?
Home Blends & Trends 17 juillet 2019Le 4 juin dernier, fifty-five organisait un échange informel autour des marques Direct-to-Consumer, le cinquième de la série des « BrandTalks » ! Ce format de club de discussion libre a pour objectif de réunir des acteurs aux profils très divers sur des sujets en lien avec le digital, l’innovation et la data, pour que chacun puisse se nourrir du point de vue de l’autre…
Le sujet de ce BrandTalk : les marques Direct-to-Consumer, nouveau standard du marketing ? Pour l’occasion, fifty-five a réuni à la fois des marques digital native et des marques traditionnelles, comme Le Slip Français, Balzac Paris, Zadig & Voltaire, Le Chocolat des Français, Respire, La Chaise Française, Mister K… Mais aussi Facebook, Google et You & Mr Jones, afin d’ajouter au débat les opinions d’experts du secteur.
Les marques D2C : une tendance de fond
Nées dans les années 2010 avec le Dollar Shave Club, qui a fait le pari de révolutionner le marché américain du rasage, les marques Direct to consumer ne correspondent pas seulement à une tendance grandissante, mais marquent plutôt la fin du modèle marketing traditionnel orienté produit. Elles redéfinissent progressivement les règles du marketing. La marque pionnière du mouvement en est bien la preuve, puisque rachetée en 2016 par le géant Unilever pour la modique somme d’un milliard de dollars. Digital natives, agiles et 100 % customer-centric, ces marques proposent des modèles de distribution plus adaptés aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui. Leur crédo : un ADN fort et une identité digitale authentique.
Développées à vitesse grand V dans une multitude de secteurs, il en existe aujourd’hui plus de 400 rien qu’aux Etats-Unis, le double par rapport à 2018. Qu’elles soient désormais mastodontes ayant révolutionné leur industrie comme la marque de matelas américaine Casper, ou jeune pousse en pleine croissance comme la marque de soins naturels Respire, ces marques sont bel et bien partout, et redessinent les codes de leur époque.
Découvrez la recette du succès de ces marques, dans les coulisses de notre cinquième BrandTalk !
Authenticité et stratégie customer-centric : la recette secrète des nouvelles marques
Engagées, transparentes, incarnées… Le ton n’est plus à la neutralité, et encore moins à l’opacité pour les nouvelles marques qui se lancent sur le marché. En effet, les consommateurs expriment un véritable désir d’honnêteté de la part des marques, mais aussi la preuve qu’elles sont respectueuses de l’environnement, avec un mode de production équitable. La marque de prêt-à-porter féminin Mister K s’est ainsi construite comme une marque engagée : pour une mode juste, à prix démocratique, respectueuse et qui a du sens. Acheter oui, mais acheter intelligemment.
Fortes de leur ADN bien ancré, ces marques sont également parfois construites autour d’une personne. Un schéma d’incarnation qui n’est pas systématique, mais très fréquent : Guillaume Gibault et Le Slip Français, Charlotte Husson et Mister K, Justine Hutteau et Respire… Thomas Méheut, co-fondateur de cette dernière, explique que « Les gens s’attachent toujours à une personne plutôt qu’à un produit. Pour nous, les photos qui ont le plus de succès sur Instagram sont toujours celles où il y a Justine ! ». Charlotte Husson, fondatrice de Mister K, explique que cette incarnation est un gage d’authenticité, mais qu’il faut toutefois veiller à ne pas sur-incarner la marque. Ce que confirme Roxane Gallenne, directrice du développement du Slip Français, en faisant allusion à Guillaume Gibault, fondateur de la marque : « C’est une position compliquée car la personne est sur-sollicitée en permanence, et ce n’est pas réaliste dans une logique de croissance ».
Pour Florence Trouche, Directrice de Facebook Business en France, la vraie difficulté est de garder un ADN fort et une agilité tout en grandissant. Comment rester authentique aux yeux du consommateur, alors que la marque se développe et se structure ? Roxane Gallenne évoque la difficulté de ce moment de croissance : « Le fait de ne plus être la petite start-up aux yeux du consommateur, après l’annonce d’une levée de fond par exemple, est assez compliqué : il faut rester sincère, tout en poursuivant ses objectifs de développement. » En effet, Sébastien Moaligou, Executive Director Luxe-FMCG chez fifty-five acquiesce : « Les marques D2C sont avant tout des championnes de la communication et des réseaux sociaux, avant d’être des experts de la data. Elles ont vécu un âge d’or avec des coûts d’acquisition très bas, mais aujourd’hui le marché est saturé. Elles doivent désormais relever le défi de la scalabilité : comment devenir globale tout en conservant la confiance et la relation humaine de proximité ? »
Entre micro-ciblage, personnalisation et social media : le digital au coeur des marques Direct-to-Consumer
La maîtrise des canaux digitaux est assurément le second point fort des marques Direct to consumer pour toucher les consommateurs, après leur stratégie customer-centric. Leur clientèle se transforme alors en réelle communauté, notamment grâce aux réseaux sociaux, qui jouent à la fois un rôle de tremplin et d’intermédiaire entre les marques et leurs clients. Pour Florence Trouche, les plateformes digitales sont certes le nouvel intermédiaire, mais c’est également elles qui ont permis aux jeunes marques d’obtenir un accès direct et gratuit aux utilisateurs.
Fédérer cette communauté digitale (et avant tout humaine !) est donc le premier défi des marques D2C, comme l’explique Thomas Méheut, lorsqu’il évoque Justine Hutteau, co-fondatrice de la marque et influenceuse autour sur sport, du bien être et du women empowerment : « Notre avantage a été d’avoir une communauté engagée dès le départ. Justine avait déjà 10 000 followers, un vrai coup de pouce car c’est le premier noyau dur qui est le plus difficile à construire. » Instagram, canal désormais indispensable à la création d’une marque, est en effet un réseau saturé aujourd’hui, sur lequel la communication virale ne suffit plus, et où les coûts d’acquisition sont de plus en plus élevés.
Un des secrets pour rester en lien avec sa communauté sur le web social est de la faire participer à la construction de la marque. En effet, selon Florence Trouche, « Ce qui rend les marques Direct-to-Consumer uniques, c’est qu’elles sont en interaction permanente avec leur communauté. Leur différence réside au final dans leur rapport au consommateur, et non plus dans leur modèle de distribution ». Les marques D2C opèrent alors un développement de produit horizontal en intégrant directement leurs followers dans la création de leur offre. Charlotte Husson (fondatrice de Mister K) et son associée, Astrid Legmann, expliquent ainsi qu’Instagram leur permet d’adapter leurs collections en faisant choisir leurs followers entre deux coloris via une story, par exemple. Ces procédés de teasing permettent en outre de susciter une certaine attente et curiosité en amont d’un lancement de produit.
Julie Hardy, Partner chez You & Mr Jones, indique également que les marques D2C parviennent à « créer une empathie très incarnée avec l’hyper-personnalisation ». Cette tendance est déjà bien installée dans le monde de la beauté, avec des marques comme Seasonly, la marque de cosmétiques lancée par Fany Péchiodat, fondatrice de My Little Paris. C’est un nouveau moyen de développer une relation proche avec un consommateur de plus en plus exigeant, et de s’adapter à ses besoins. Moyen qui se développe également dans d’autres secteurs : Le Chocolat des Français et La Chaise Française proposent ainsi également une personnalisation de leurs produits.
Les D2C parviennent donc à être extrêmement agiles pour tirer profit des usages et tendances du marché en temps réel, avec une recette mêlant data et créativité. Le succès viral de la marque Respire en est un bon exemple : celle-ci s’est faite connaître en un temps record, grâce au succès d’une vidéo promotionnelle vue plue d’un million de fois… sur LinkedIn ! Jean-Vincent Evanno, directeur marketing de la marque de prêt-à-porter Balzac Paris, émet cependant une nuance : « Nous vivons grâce à Instagram, nous sommes donc dépendants du système ».
Synergies online-offline : quand les marques Direct-to-Consumer réinventent les modes de distribution
En plus d’être 100 % customer-centric et d’avoir une relation directe très forte avec le consommateur grâce aux réseaux sociaux, les marques D2C se distinguent une fois de plus des simples marketplaces digitales en ce qu’elles visent à intégrer au maximum la chaîne de valeur, en allant de la production au service après-vente. L’objectif est de garder le contrôle sur l’expérience client, notamment à travers des canaux de vente et de communication directs.
Cependant, elles n’ont pas toujours vocation à rester purement digitales. La vente physique vient souvent compléter le dispositif digital, dans le but d’offrir au consommateur une expérience de marque enrichie. Les marques D2C sont une combinaison du online et du offline, avec une histoire qui devient systématiquement omnicanale. C’est le cas du Slip Français, pour qui l’ouverture d’une première boutique en propre résultait d’abord d’une opportunité, mais offrait finalement une bonne complémentarité avec l’offre e-commerce : « Aujourd’hui, nous avons une vraie stratégie de développement en retail, mais toujours maîtrisée et contrôlée, dont l’objectif est d’attirer un nouveau type de consommateurs, et non pas d’ouvrir le plus de boutiques possible » explique Roxane Gallenne. Bartholomé Lenoir, fondateur de La Chaise Française, explique que de son côté, sa stratégie n’était viable qu’en instaurant des points de vente physiques dès le départ, étant donné les spécificités de son offre produit. Certaines marques développent en outre des points de vente conceptualisés, jouant le rôle de vitrine de leur plateforme e-commerce, à la manière des showrooms des marques de luxe. En France, l’emblématique marque de prêt-à-porter Sézane a ainsi inauguré son premier « appartement » en 2015, lieu chaleureux invitant les clientes à découvrir la collection de manière interactive, et à passer commande sur place, le tout avec un seul et même objectif : enrichir l’expérience client.
Certaines marques D2C vont même plus loin, en s’affranchissant du postulat de base qui les définit : la désintermédiation. C’est le cas pour Respire qui a choisi de passer par l’enseigne de grande consommation Monoprix pour distribuer ses produits en boutique, et ce dès la semaine de lancement de son e-shop. « Cette stratégie nous permet de démultiplier notre force de frappe, et donc d’être dès le départ dans une logique de croissance à grande échelle » explique Thomas Méheut. Cela nous montre qu’il existe en réalité autant de modes de distribution qu’il y a de marques Direct-to-Consumer : finalement, à chaque marque sa stratégie, son image, et donc son mode de distribution.
La cinquième édition de ce BrandTalk nous a donc permis d’aborder en profondeur les nombreux points forts des marques
Direct to consumer, et d’entrevoir l’ampleur de cette nouvelle manière de faire du marketing. Une tendance qui entraîne dans son sillage grands groupes et marques traditionnelles, que ce soit par le biais d’acquisitions de jeunes marques comme le rachat de Michel et Augustin par Danone ou la création de marques sous leur égide, comme Color & Co par L’Oréal, Afound par H&M ou encore Love, Beauty & Planet par Unilever.