Calculer l’impact des canaux marketing avec le nouveau MMM : les paroles de Pierre Harand
Customer Experience 12 avril 2022Du 25 janvier au 15 février 2022 ont eu lieu la 2ème édition des Audio Days, regroupant le meilleur de l’expérience client et de la data en audio et en consultation à la demande.
En effet, cela représente de nombreuses capsules audio disponibles, des lives et des centaines de rencontres entre professionnels du marketing, de l’expérience client et de la data.
Notre participation a été marquée par le podcast de Pierre Harand, Partner chez fifty-five, sur comment la nouvelle génération du Marketing Mix Modelling, en collaboration avec Google, permet une analyse des dépenses marketing plus détaillée. En effet, la répartition du budget marketing d’une marque entre les différents canaux est une décision stratégique.
Dans cette capsule, Pierre Harand explique comment tirer partie des outils de MMM pour calculer l’impact des différents canaux marketing et les optimiser. La nouvelle génération du MMM est d’autant plus précise, grâce aux technologies cloud et notamment celle de Google.
MMM quesaco ?
Bonjour, je suis Pierre Harand, partner chez fifty-five, cabinet de data consulting, et je suis ravi de passer avec vous quelques minutes pour parler de l’avenir du MMM.
Évidemment il s’agit d’un acronyme, pour les afficionados de Tik-Tok et Insta, il signifie Mix Marvelous Minding, une communauté de personnes qui ont une approche libérée et bienveillante de la sexualité. Il ne s’agit pas de ce MMM dont je vais vous parler, mais du Marketing Mix Modelling, qui consiste à répondre à une question vieille comme la publicité.
Comment répartir mes ressources marketing de manière optimale ? Déjà au 19ème siècle, l’entrepreneur à succès John Wanamaker disait : « Je sais que la moitié des sommes que je dépense en publicité est en pure perte, mais je ne sais pas de quelle moitié il s’agit ». Aujourd’hui encore, la question reste épineuse ; imaginez que vous êtes directeur marketing d’une grande marque. Votre mission est d’améliorer l’image et les ventes de votre entreprise. Pour cela, vous avez un budget considérable que votre directeur financier vous a confié. Quelle est donc la meilleure utilisation de ce budget ? Est-ce qu’il faut communiquer en télévision, par la presse, sur internet ? En sachant que pour ce dernier, il faut arbitrer entre les moteurs de recherche, les réseaux sociaux … Par exemple, si YouTube développe son audience, dois-je diminuer mon budget télé pour la louer à ce canal, et à la fin, plutôt que d’investir en publicité, ne devrais-je pas financer des promotions pour attirer de nouveaux clients avec des prix plus bas ? La question est donc complexe.
Nombreuses sont les directions marketing qui s’en remettent à leurs intuitions, ou le statu quo, le raisonnement consistant à se dire que si ça marchait l’année dernière, ca ira toujours si on ne change rien. Mais depuis plusieurs décennies, des annonceurs ont naturellement cherché à avoir une réponse rationnelle et même mathématique en ayant recours au fameux MMM. Il s’agit d’une modélisation. Trouver une formule mathématique qui stimule les effets des différents paramètres sur les ventes finales. Une fois le modèle établi, on peut stimuler des scénarios alternatifs, jusqu’à déterminer le mix d’investissement qui maximise les ventes. Les MMM prennent aujourd’hui la forme d’études annuelles remis sous formes de slides et qui dictent le mix optimal pour l’année à venir. Tout celà est très bien, mais ce n’est pas neuf, et surtout, cette démarche affiche aujourd’hui des limites très claires. Par définition les MMM sont des modèles complexes qui nécessitent l’exploitation d’énormément de sources de données différentes : les dépenses média online et offline, données de vente, données de concurrence, météo, ils sont donc habituellement des projets très longs, qui souffrent d’un manque de granularité dans leurs analyse, d’une lourdeur considérable dans la mise à jour, et fournissent des résultats finalement peu actionnable. Les axes d’amélioration sont multiples. Les technologies Big data actuelle permettent de faire beaucoup mieux avec une approche alternative que nous appelons l’IMM, l’In House Marketing modelling, c’est-à-dire une version internalisée du MMM. En effet, la plupart des marques sont dotés de plateforme Big Data comme Google Cloud Platform, qui démocratisent l’accès à des capacités de stockage et de traitement de la donnée, encore impensable il y a quelques années. Et plutôt que de confier un extrait de ces données marketing à une agence externe qui rendra en retour ses recommandations sous forme de slides, il s’agit de développer un modèle propriétaire sur le cloud de l’annonceur, ce qui change tout en apportant des améliorations radicales à une démarche MMM classique.
- Premier bénéfice, plus de précision et de granularité. Avec cette démarche, il n’y a pas de limites techniques au nombre de sources de données qui alimentent le modèle. Les canaux digitaux peuvent être décrits dans toutes leurs finesses.
- Deuxième bénéfice, le modèle peut être mis à jour en continue, ce qui peut être très utile lorsqu’une pandémie vient bouleverser le marché avec un reconfinement impromptu par exemple.
- Troisième bénéfice, transparence absolue. Le modèle et ses résultats sont la propriété de l’annonceur, ils peuvent être audités, opérés et modifiés par ses propres Data Scientist. Ce qui constitue une garantie absolue de neutralité et de confiance dans les résultats de l’étude.
- Enfin, dernier bénéfice, l’actionnabilité, puisqu’ils offrent aux opérationnels une aide à la décision précieuse et des données hébergées sur la plateforme peuvent être exportées vers des outils de ciblage publicitaire ou CRM pour alimenter les campagnes.
En 2021, cette démarche novatrice a été mise en œuvre par Auchan, qui a pu matérialiser la supériorité radicale de cette approche. Ainsi en termes de granularité, le modèle permet une analyse des ventes par type de produits, ce qui est crucial pour une enseigne de grande distribution comme Auchan, qui commercialise une incroyable diversité d’articles. Pensez à tous les rayons et la variété des produits présents dans une grande surface. On ne vend pas des yaourts comme des chaussures, or les modèles MMM traditionnels ne prennent en compte que le total des ventes nationales. Seul l’IMM permet d’évaluer les effets de l’évolution du dispositif marketing, logiquement très différents d’un produit à l’autre. Le modèle permet également une lecture des ventes magasin par magasin. Cela est déterminant notamment pour lire les effets de la météo sur les ventes. Le temps qu’il fait influe évidemment sur la nature des achats des français. Pour reprendre l’exemple habituel, l’arrivée des beaux jours coïncide toujours avec les ventes des articles de barbecue, parasol, viande à griller et boisson désaltérante. Mais la diversité du climat dans l’hexagone ne peut être reflétée fidèlement qu’avec une analyse géographiquement précise. D’autre part, cette analyse des ventes à la « Maille Magasin », permet d’envisager des études « geo experiment » qui testent en grandeur nature un mix alternatif.
Autre bénéfice majeur, les résultats du modèle et les analyses effectuées dans la data plateforme peuvent être mis à disposition des directeurs des magasins et du central à travers des tableaux de bord rafraîchis mensuellement. Ils ont ainsi accès aux investissements médias, au niveau promotion, au chiffre d’affaires par magasin, au ROI et aux résultats des différentes simulations. Il s’agit d’une démarche innovante et ambitieuse pour Auchan dont la mise en œuvre n’est pas trivial. La réussite de ce projet tient à au moins 3 aspects :
- Une bonne gouvernance, Auchan a mis en place une équipe mixte, associant fifty-five cabinet expert de la data, à CSA, agence MMM bien connue. Le projet à suivi une démarche structurée hybride entre projet en V et agile.
- Deuxième facteur de succès, la qualité de la donnée, qui est aussi vitale pour un modèle que la qualité de l’air qu’on respire pour un être vivant. Un tel projet revient à une refonte complète de la mesure omnicanale pour Auchan. La première étape était donc de créer une base de données structurée, centralisée, propre, sans redondance et avec des clés de jointure entre les tables. Il a fallu pour cela traiter plus de 40 sources de données et créer le socle technique de ce MMM.
- Troisième facture de succès, le traitement automatisé, il s’agit d’automatiser d’abord l’injection de la donnée, c’est-à-dire qu’elle soit effectuée quotidiennement sans intervention humaine, avec un système d’alerte pour réagir rapidement quand quelque chose ne fonctionne pas. Il faut également calibrer le bon niveau d’analyse du modèle.
En effet, plus la granularité est fine, plus le modèle a besoin de données pour être entraîné efficacement. De plus, avec une granularité trop fine on risque d’observer des signaux trop bruité, c’est-à-dire perturbé par des phénomènes aléatoires difficilement mesurables. Comme des travaux dans un magasin, un problème dans le rayon physique.
Aujourd’hui, Auchan s’est donc doté d’un formidable actif. Cette Data Plateforme et ses couches de modélisation lui permettent un pilotage beaucoup plus performant de son mix média. Mais ils ouvrent aussi de nouvelles perspectives. Au-delà de la stratégie média, l’objectif est d’utiliser cet actif pour la stratégie marketing : ouverture des magasins, choix des produits en tête de gondole, promotion, arrivée de nouveau concurrent, mode de distribution des tracts. Dans les médias, beaucoup de questions sont encore à traiter ; comment répartir mon budget sur un canal, quelle tranche horaire, quel nuage de mot clé si on parle de search payant, quelle pression sur un utilisateur donnée. Et pour le moment, l’ambition d’Auchan se résume en 2 chiffres. 1 et 10. Ce projet I2M doit coûter moins de 1% du budget média pour aller chercher 10% d’efficacité incrémentale.
Si vous avez des questions ou des commentaires, n’hésitez pas à nous en faire part sur le LinkedIn de Pierre Harand ou par mail à contact-fr@fifty-five.com
Cet article a été retranscrit du Podcast Audio Days 2022 « Comment calculer plus précisément l’impact des différents canaux marketing grâce au nouveau MMM? »