Internalisation de l’achat média — partie 1 : le futur des agences ?
Media Consulting 31 août 2017Le numérique transforme complètement le métier d’agence media : on n’opère pas des campagnes Search ou programmatique comme on gérait des budgets TV ou presse. La transformation digitale touche aussi l’achat publicitaire !
Pour faire face à cette nouvelle donne, l’internalisation s’impose comme une solution pertinente pour un nombre croissant d’annonceurs. Une tendance de fond, donc, mais qui est paradoxalement un sujet peu abordé… Pierre Harand, Managing Director France de fifty-five, se propose d’apporter quelques éléments de réponse aux questions qui reviennent le plus souvent chez les annonceurs.
D’où vient cette tendance ?
La data, bien sûr ! La tendance d’internalisation de l’achat média chez les annonceurs est étroitement liée au digital et à la vague de transformation qu’il implique dans les entreprises. La plupart des pure players ont internalisé leur achat publicitaire digital depuis longtemps. À mesure que les annonceurs traditionnels se transforment et deviennent plus digitaux, il n’est pas surprenant de les voir adopter la même organisation de l’achat publicitaire que les pure players, et d’opter pour une forme d’internalisation.
En effet, le digital bouleverse profondément nos usages, notre façon de consommer et de nous informer, ce qui change in fine la façon de faire du marketing. La transformation digitale touche les secteurs les uns après les autres : tourisme, média, retail sont en première ligne. Mais les autres secteurs suivront bientôt : télécoms, automobile, banque… Les annonceurs sont bouleversés dans leur modèle d’affaires, mais aussi dans leur manière de servir leurs clients et de communiquer avec eux.
Dans ce contexte, la ressource clé pour recomposer un marketing pertinent – et en particulier pour gérer au mieux sa communication publicitaire – c’est la data. Alors que la « data » était dans un premier temps négligemment traitée en silo, elle devient désormais un sujet au coeur de la stratégie client, et de la transformation digitale globale de l’entreprise.
C’est donc de l’intérieur des organisations (et pas de l’extérieur) que l’on est en meilleure position pour exploiter la data au travers de campagnes publicitaires. Pour bien gérer des campagnes publicitaires digitales efficaces – donc pilotées par la data – il faut être en mesure de collaborer intimement avec les équipes e-commerce,
CRM, Data (
DMP éventuellement), SI, etc.
Ainsi, les annonceurs ont la volonté de reprendre en main leur stratégie digitale, à mesure qu’ils prennent conscience de la valeur de la donnée, ce qui remet en cause le modèle des agences média.
En quoi le modèle historique des agences média n’est-il pas forcément adapté ?
Le métier historique d’agence média est lui aussi en train de se transformer.
Bien sûr, la gestion de campagnes digitales relève de logiques bien différentes des leviers publicitaires traditionnels, et les agences traditionnelles ont mis du temps à s’adapter à l’arrivée du
programmatique et à intégrer l’expertise technique inhérente.
Mais c’est surtout la nature historique du métier d’agence média qui est problématique, ainsi que le mode de rémunération qu’elle implique. Le métier d’agence s’est structuré à une époque où la gestion des espaces publicitaires (TV, presse, affichage, radio) se fondait sur la négociation de gros volumes. Historiquement, les agences étaient donc rémunérées au pourcentage du budget média investi, puisque, logiquement, un budget plus conséquent impliquait plus de négociations à mener avec chaque régie. Or, le programmatique permet d’automatiser en grande partie cette expertise : une augmentation du budget n’augmente donc pas proportionnellement la charge de travail de l’agence, et le modèle tarifaire historique n’est pas forcément le plus adapté.
De plus, les agences média offrent aujourd’hui une prestation groupée (bundle) comprenant 3 composantes : la gestion de l’achat des campagnes, le pilotage de la stratégie média et de la performance, et les outils. Or ce modèle de rémunération biaise le plan média et ajoute un manque de transparence à l’écosystème, notamment sur les coûts et les éventuels conflits d’intérêt des agences (intermédiaires et marges cachés, négociation de frais techniques, commissions rétroactives…). C’est ce que dénonçaient récemment les rapports de l’Association of National Advertisers (ANA) aux États-Unis.
Enfin, le mode de contractualisation des outils d’ ad serving (comme DoubleClick ou Sizmek par exemple) est lui aussi problématique : en contrôlant les outils d’ad serving, les agences média sont contractuellement propriétaires des données associées. Les annonceurs, qui paient pourtant si cher pour communiquer auprès de leurs clients, ne sont pas totalement libres de capitaliser et d’exploiter la donnée. Surtout, changer d’agence média peut signifier perdre tout l’historique de données liées à la communication publicitaire digitale. Une telle dépendance est-elle tenable dans un monde où la donnée a pris une valeur stratégique pour les entreprises ?
Quel avenir pour les agences ?
Le sujet de l’internalisation de l’achat média est peu abordé car les agences média traditionnelles ne sont bien sûr pas à l’aise avec le sujet… Chez fifty-five, nous ne pensons pas que ce mouvement d’internalisation marque la fin des agences : au contraire, il s’agit plutôt d’une réinvention, avec une transition de leur rôle vers un métier de conseil et d’accompagnement de l’annonceur. Il s’agit au final de valoriser l’expertise des agences différemment, ce qui implique des changements dans leur mode de fonctionnement et de rémunération.
Cette tendance aura pour bénéfice de sortir du mode « boîte noire » qui a envenimé les relations annonceurs-agences par le passé, pour offrir plus de transparence, d’autonomie et de confiance.
Retrouvez la deuxième partie de cette interview : Internationalisation de l’achat média – partie 2 : le remède miracle ?