Voitures connectées : la data, maillon manquant pour réconcilier les attentes des clients et des constructeurs ?

Home Blends & Trends 21 septembre 2017

Les chiffres les plus fous circulent sur le marché du véhicule connecté. Les plus grands cabinets de conseil et analystes financiers estiment sa taille à 500 milliards de dollars à horizon 2025 (pour un marché automobile de 2 000 milliards de dollars en 2016)*, soit une proportion colossale. Mais qu’entend-on par Connected Cars ? Les applications sont très nombreuses et diversifiées : elles s’étendent du simple GPS ou de fonctionnalités d’infotainment (contraction d’information et d’entertainment) à la mise en place d’une véritable nouvelle pièce de vie comme extension du logement principal, en passant par une aide à la conduite intelligente et personnalisée.

Les conducteurs se déclarent plus que jamais intéressés par des voitures connectées avec leur écosystème personnel mais ils ne sont absolument pas prêts à payer pour ces services additionnels qui devront faire partie de l’offre standard des constructeurs. Ainsi, 59% des acheteurs européens indiquent que les équipements et fonctionnalités connectés ont influencé leur parcours d’achat. Ces nouveaux services sont centrés aujourd’hui sur plusieurs promesses :

  • Une sécurité renforcée, grâce à l’analyse en temps réel des comportements de conduite et une aide à la conduite personnalisée ;
  • Un allégement des dépenses du foyer, avec notamment la diminution des tarifs des contrats d’entretien et d’assurance grâce à la baisse de l’accidentologie (tarification « Pay how you drive ») ;
  • Une vie à bord plus agréable, grâce à la connexion aux réseaux sociaux ou l’accès in-car aux catalogues des éditeurs (comme le propose déjà Tesla avec son interface Spotify) ;
  • Un gain de temps dans la vie quotidienne, avec la mise à disposition de services in-car pour gagner en fluidité et proposer une expérience sans couture. Avec par exemple le test de e-paiement depuis l’habitacle en station-service (en cours au Royaume-Uni pour Jaguar et Shell) ; ou encore la connexion à l’environnement professionnel (mis en place par Renault et Microsoft avec une interface Office 365 ou Outlook) ;
  • Un accès facile aux interfaces des smartphones des conducteurs, sous peine de se faire directement concurrencer par les pure players comme iOS et Android. Ainsi, SEAT devient le 1er constructeur d’Europe proposant l’application Android Auto dans le Play Store ;
  • Un impact diminué sur l’environnement, grâce à l’analyse de la conduite ou à la planification de trajets optimisés.

À travers ces différents pôles de services, on voit bien le niveau d’attente très élevé des conducteurs en termes de services à valeur ajoutée. Tous ces services ont bien évidemment un coût de développement et de maintenance que les constructeurs devront maîtriser et financer.

Si on se penche du côté des constructeurs, leur défi est majeur : comment intégrer dans le prix de vente actuel tous ces nouveaux services, sans surcoût ? Un peu à la manière des coûts des nouvelles normes de sécurité (choc piéton, Euro6…) qui ne sont que très faiblement répercutés sur le prix final par rapport à leur coût réel.

La clef d’équilibre des comptes réside dans la bonne exploitation de la data des conducteurs par les constructeurs. Et pour ce faire, plusieurs pistes s’ouvrent à eux :

Tout d’abord, la monétisation pure et simple de la data (buzzword pour ne pas dire “la vente”), avec par exemple :

  • Vente des données de circulation aux boutiques physiques pour déterminer les flux de clientèle et ainsi optimiser le ciblage ;
  • Vente de données comportementales des conducteurs à d’autres annonceurs (assureurs, énergéticiens…) pour cibler les bons moments de prise de contact (modèle  2nd party data) ;
  • Vente des données socio-démographiques aux agences de marketing et de communication pour monter des deals de second-party ou 3rd party data visant à enrichir et élargir les bases CRM/ PRM des annonceurs.

Mais la source de revenus la plus probable et réaliste réside bien dans l’amélioration de la connaissance de ses propres clients et dans la prédiction fiabilisée de futurs comportements d’achat. Cette connaissance pointue est la porte ouverte au stratégies commerciales d’up-sell et de cross-sell, avec par exemple :

  • Des offres de véhicules en fonction de l’utilisation quotidienne de la voiture : par exemple, proposer un véhicule électrique aux conducteurs présentant un kilométrage élevé, résidant en zone urbaine ou périurbaine, et avec possibilité de recharge ;
  • La vente d’accessoires si l’on arrive à détecter une lourde charge tractée ou encore une usure prématurée des pneumatiques ;
  • La vente de contrats de financement et d’extension de garantie.

Enfin, le panorama des enjeux de la data ne serait pas complet sans son volet réglementaire. Au moment où ils réclament plus de services connectés sans hausse de prix (more for less), les consommateurs réclament également plus de protection de leurs données personnelles. Ce paradoxe voit arriver en ligne de mire le GDPR (General Data Protection Regulation), nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles qui entrera en application le 24 mai 2018. Le GDPR va renforcer fortement le droit des consommateurs et va, en parallèle, renforcer les devoirs des annonceurs en matière de recueil du consentement, de stockage, d’utilisation des données personnelles.

Dans ce contexte, l’enjeu pour les constructeurs est bien de montrer toute la valeur ajoutée des services connectés et de gagner la confiance de leurs clients, afin de les convaincre d’accepter l’exploitation raisonnée et motivée de leurs données personnelles.

En conclusion, si le marché du véhicule connecté apparaît extrêmement prometteur en termes de business et de nouveaux services apportés aux conducteurs, il cache une réelle complexité dans sa mise en œuvre. La clef de voûte de son succès passera probablement par la capacité des constructeurs à monétiser leur data dans le respect de la loi.

*Connected vehicle: a disruptive technology, Accenture, 2015

Vous reprendrez bien une tasse de thé ?